En 2018, les néonicotinoïdes, ces insecticides épandus sur les cultures depuis 1992 et dont il ne fait plus de doutes qu’ils sont dangereux pour les sols, pour les abeilles, pour l’eau, pour la santé des humains, sont interdits au grand dam des agriculteurs nombreux à les utiliser. Une semi-victoire en fait, car chassez un intrus, ses clones ne tarderont pas à apparaître… Cette interdiction avait en fait été votée dans la loi Biodiversité de 2016. Après 25 ans de mises en garde des écologistes, il avait donc fallu encore deux ans pour que la loi soit appliquée ! Et pendant que se poursuivait l’hécatombe de milliards d’abeilles, les laboratoires travaillaient à peaufiner leurs formules chimiques de synthèse… Alléluia… L’imagination est débordante quand le tiroir-caisse est activé… à l’inverse de la créativité sans doute, car les solutions de substitution aux insecticides – qui, selon l’ONG Terre d’Abeilles, existent pourtant – n’ont jamais réussi à s’affirmer clairement.
Et patatras : c’est ainsi qu’un petit puceron vert, haut vecteur de transmission de la jaunisse pour les betteraves à sucre, a remis en cause ce simili-arrangement bonne-conscience-écolo qui fonctionnait depuis 2018 ! Devant la chute des rendements, alors que la France est deuxième producteur mondial de betteraves et premier européen, les députés ont accordé une dérogation aux betteraviers français qui pourront utiliser des néonicotinoïdes en enrobage des semences jusqu’en 2023… sachant –précision importante – que la rémanence des néonicotinoïdes est de 2 à 3 ans dans les sols. La volte-face a largement été saluée par le lobby betteravier et assumée au-delà de la logique par le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie, dans ces propos tenus le 5 octobre dans l’hémicycle : « Pas une personne ici présente n’est pour les néonicotinoïdes. Mais il faut sortir cette filière de l’impasse. » Comprenez : continuons à empoisonner le monde, il y va de l’emploi de 45 000 personnes en France !
Car c’est bien cela, la menace brandie : des néonicotinoïdes qui détruisent le monde ou bien la disparition d’une filière. Quid des méthodes alternatives, des méfaits du sucre sur la santé (en 2016-2017, 58 % de la production française de sucre a servi à l’industrie alimentaire pour, par exemple, rehausser les couleurs et le goût des aliments ! Seuls 11 % servaient comme « sucre de bouche » pour le thé, café, etc.) ? Quid des abeilles ; quid de l’eau ; quid des sols ; quid des maladies que de nombreuses études scientifiques lient à la pollution ? Nos gouvernants réussiront-ils à faire d’ici 2023 ce qui n’a pu être fait depuis 2016 ? Osons-nous y croire ? Une fois de plus ? Qui ne peut admettre qu’un véritable écocide se prépare, alors que tous les jours, quel que soit l’endroit de la planète, se joue une catastrophe environnementale ? Qui peut renier les chiffres toujours à la hausse de cancers et maladies dégénératives ?
Une chose est certaine, les mauvaises graines aiment à se répandre : quelques jours après cette annonce, ce sont les producteurs de maïs qui ont demandé à leur tour à bénéficier de cette dérogation…
Blandine BERTRAND
Journaliste indépendante
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